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Le prix des granules de bois explose en Europe

10 novembre, 2022  par Guillaume Roy. Initiative de journalisme local


La guerre en Ukraine a provoqué une explosion du prix des granules de bois en Europe. Même si le Québec exporte près de 90 % de sa production de granules de bois, les opportunités pour profiter des prix records sont minces. Tour d’horizon.

Le marché des granules de bois a été complètement chamboulé par la guerre en Ukraine, car la Russie, un des plus grands producteurs mondiaux, affiche une production annuelle de 2,2 millions de tonnes. Si on ajoute la production de la Biélorussie et de l’Ukraine, ça représente 3,4 millions de tonnes de granules en 2021, selon les données FutureMetrics.

Une grande proportion de ces volumes était destinée au marché européen, en 2022, mais la guerre en Ukraine et les embargos commerciaux qui ont suivi ont créé une véritable pénurie sur les marchés.

En plus de la pénurie, la demande est en forte croissance, car les consommateurs recherchent des options énergétiques renouvelables. Aujourd’hui, la biomasse représente plus de 60 % du portfolio européen en énergie renouvelable.

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Selon les données de Hawkins Wright, une entreprise londonienne qui analyse les marchés, la demande de granules a crû de 18,4 % en 2020-2021 alors que la production n’a crû que de 8,4 %.

En plus du marché résidentiel, la demande industrielle est en forte hausse, car plusieurs usines de production d’électricité fonctionnant au charbon ont été converties aux granules de bois, comme c’est notamment le cas en Angleterre.

En conséquence, les prix ont explosé. Alors que le prix des granules était de 300 à 350 euros au début de 2021, il atteint plus de 700 euros à l’heure actuelle en France. Plusieurs autres pays européens, dont l’Italie, l’Angleterre, l’Allemagne et l’Autriche, ont aussi connu de fortes hausses.

Le Québec peut-il en profiter ?

À court terme, les producteurs québécois ne pourront malheureusement pas profiter de la hausse des prix sur le marché européen, car les contrats d’approvisionnement sont signés un an à l’avance, remarque Sabin Côté, directeur du développement des affaires et du marketing chez Granules LG, à Saint-Félicien.

Habituellement, le producteur de Saint-Félicien vend 70 % de sa production sur le marché nord-américain et 30 % à l’international. Étant donné l’état des stocks, cette proportion est passée à 60/40, cette année, avec des exportations faites principalement aux Pays-Bas et en Italie. Cette proportion demeurera sensiblement la même, au cours des prochaines années, car le marché domestique apporte une plus grande stabilité, note Sabin Côté.

Jusqu’à maintenant, les prix offerts sur le marché domestique avaient toujours été meilleurs que les prix offerts à l’exportation, mais pour la première fois, l’exportation est devenue aussi rentable et elle pourrait dépasser les prix domestiques au cours des prochains mois, explique ce dernier.


« On ne veut pas mettre tous nos œufs dans le même panier. Le marché de l’exportation est très fluctuant. »
 Sabin Côté

Même son de cloche du côté de François Poulin, directeur général de Granulco, qui s’est toujours concentré sur le marché québécois. Avec des inventaires élevés, l’entreprise de Sacré-Cœur a exporté des granules pour la première fois, cette année, grâce à des contrats signés avant la guerre.

« Ça ouvre des opportunités d’affaires quand on a des surplus, mais on va continuer de miser sur le marché domestique, parce que c’est notre core business », dit-il.

De plus, la production ne peut pas être augmentée facilement, car les entreprises dépendent de contrats d’approvisionnement en résidus avec les scieries. Le marché est à l’état d’équilibre entre les différents acteurs, en ce moment, et il n’y a pas plus de matière première disponible.

Outre Granule 777 de Chapais, qui mise essentiellement sur l’exportation, les producteurs de granules d’ici préfèrent jouer la carte de la stabilité.

André Bédard, directeur du groupe granules du Bureau de promotion des produits du bois du Québec, estime que la construction d’une nouvelle usine reste une décision fondamentale, pour un entrepreneur, qui ne peut être basée seulement sur un prix record du produit. Autrement dit, l’accès à la matière première à un coût compétitif est le nerf de la guerre. « Ça va peut-être accélérer certains projets », dit-il.

« Il y a aussi un défi pour trouver la main-d’œuvre », renchérit François Poulin.

Chez Granules LG, la production a même légèrement baissé, au cours des dernières années, passant de 120 000 à près de 100 000 tonnes l’année dernière. « Le manque de main-d’œuvre expérimentée nous affecte, souligne Sabin Côté. L’usine fonctionne 24 heures sur 24, alors les temps d’arrêt limitent la production. »

La révision des prix pour les livraisons de l’année prochaine pourrait toutefois permettre aux producteurs québécois de faire de meilleurs profits.

« L’augmentation de la demande est toujours une bonne nouvelle pour nous et on va essayer de profiter des bonnes occasions sur le marché, en prenant de bonnes décisions stratégiques », remarque Sabin Côté.

Granule 777, un producteur de granules basé à Chapais, exporte la vaste majorité de sa production. « Nous avons des contrats à long terme pour près de 200 000 tonnes par année et nous produisons déjà à pleine capacité », remarque Benoit Barette, le président de Granule 777.

« Bien que le marché actuel soit à la hausse en ce moment, l’entreprise ne peut pas saisir de nouvelles opportunités de marché », ajoute-t-il.

Autrement dit, les producteurs québécois misent plutôt sur la stabilité des marchés, appuyée par une croissance lente de la demande domestique.

Selon André Bédard, l’industrie de la granule prend tout son sens lorsque le produit est consommé localement en remplaçant les combustibles fossiles. Il reste donc encore beaucoup de travail à faire pour développer le marché québécois, afin de valoriser une énergie renouvelable locale.

Le prix des granules explosera-t-il au Québec ?

Le prix des granules de bois devrait augmenter légèrement au Québec, mais à un niveau plus proche de l’inflation que ce que l’on voit en Europe, estime Sabin Côté. « Le coût de l’électricité est très bas, au Québec et dans le nord-est de l’Amérique du Nord, dit-il. Si les producteurs augmentent trop les prix, il y aura une pression pour ralentir les conversions vers les systèmes à la biomasse, et à long terme, ça ne nous aide pas, car l’équilibre est fragile. »


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